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Plume et Kalam - Abdelkarim Belkassem
20 juillet 2019

De la réalité à la fiction

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Mon témoignage sur le journal " Le Parisien " quand Neil Armstrong faisait un grand pas pour l'humanité, le 21 juillet 1969. J'étais un  petit de six ans qui vivait ce moment -la depuis Safi au Maroc.

Qui aurait dit que j'écrirais un roman sur l'espace, cinquante ans plus tard ?

Interviewé par Aline Gérard, journaliste.

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Photo NASA

[...] Il y a cinquante ans, le 21 juillet 1969, Neil Armstrong faisait un grand pas pour l’humanité et laissait des souvenirs inoubliables à nos lecteurs. Ils témoignent.

Comme l'écrit Alain « cinquante après, les mots me manquent ». Dans la nuit du 20 au 21 juillet 1969, à 3h56 [heure française], ceux qui étaient là se sont tus face à l'image crachotante de Neil Armstrong. Et, plus que l'exploit technologique accompli, qui a marqué la fin d'un incroyable match entre les Etats-Unis et l'Union soviétique, c'est peut-être cela le miracle de ce premier pas lunaire : cet instant partagé avec des millions d'inconnus.

Cette nuit-là, à 3h56, vous avez fait chacun silence face à l'astronaute, descendant vers l'inconnu, que vous soyez en famille, dans les bras de votre amoureuse, perché par-dessus la clôture d'un camping pour profiter de la télé du voisin, dans le hall d'une gare, en train de turbiner dans le fournil d'une boulangerie ou comme Alan le « moon child » (l'enfant de la Lune, en anglais)… de venir au monde.

Et c'est peut-être cela le miracle de ce premier pas lunaire : cet instant partagé avec des millions d'inconnus, plus que l'exploit technologique accompli marquant la fin d'un incroyable match entre les Etats-Unis et l'Union soviétique. Merci à vous."

Alain, Karim, Hélène, Alan, Philippe, Jean-Claude, Pierre, Lionel, Christiane, Hélène, Michel et Pierre (de gauche à droite, de haut en bas)./DR
Alain, Karim, Hélène, Alan, Philippe, Jean-Claude, Pierre, Lionel, Christiane, Hélène, Michel et Pierre (de gauche à droite, de haut en bas)./DR  

«Je gardais les moutons»

Abdelkarim Belkassem, 6 ans à l'époque

« Je suis originaire d'un petit village à 8 km de la ville de Safi sur la côte marocaine ; je gardais les moutons dans un champ quand l'Homme a conquis la Lune. Ce jour-là, tout le monde ne parlait que de cela. Les gens avaient suivi l'événement à la radio. Personne n'avait encore de télévision. Ce n'est que plus tard que mes parents ont pu s'en acheter une : elle fonctionnait avec une batterie.Au moment d'Apollo 11, ils avaient une petite radio, mais ils l'écoutaient avec parcimonie, ils économisaient les piles… J'étais excité, mon père et ma mère, eux, plus réservés : ils étaient illettrés. Ils connaissaient les Américains : ils les avaient vus débarquer dans le port de Safi en 1942 pour libérer la France de l'occupation vichyste. Mais conquérir la Lune, c'était autre chose… C'est dangereux de défier Dieu, disaient-ils. »

«Des bêtises tout ça, a dit mon grand-père»

Hélène Fourcade, 4 ans et demi à l'époque

« J'avais 4 ans et demi, j'étais donc bien trop petite pour voir quoi que ce soit en direct en plein milieu de la nuit… Mais comme on en parlait beaucoup, bien après l'heure normale du coucher, je suis allée regarder notre satellite dans la courette derrière la maison de mes grands-parents, au fin fond du Gers. Mes parents m'ont expliqué que les deux astronautes allaient s'y poser pendant la nuit, et je me disais qu'ils ne devaient pas être si loin, puisque nous pouvions voir l'endroit vers lequel ils se dirigeaient.

C'est donc le lendemain, lors de la rediffusion de l'événement dans l'après-midi que j'ai pu voir les exploits d'Armstrong et Aldrin. Quand l'émission s'est achevée, mon grand-père s'est levé de son fauteuil, est allé éteindre la télévision - noir et blanc, bien sûr ! - et a déclaré d'un ton assuré : Ce sont des bêtises, tout ça. Ça n'existe pas, ce n'est pas possible ! Et il est retourné s'occuper de son jardin.»

«Une super bataille de polochons»

Philippe Jay, 10 ans à l'époque

« Comme beaucoup de petits gars, je passais mon mois de juillet en colo de garçons à l'île d'Yeu (Vendée), dans le fort où avait été emprisonné Pétain. Le 20 juillet grosse journée comme tous les jours, dîner, lecture. 21h30 : extinction des feux.

3h45 : les moniteurs allument les lumières, tout le dortoir râle… Les monos disent : Messieurs, ce jour marquera votre esprit toute votre vie. Bon an mal an, on se lève et on se retrouve au milieu du dortoir, trente gosses autour du poste de radio grandes ondes posé au milieu. À 3h56… silence total, explosion de joie, cris, super bataille de polochons… Impossible de se rendormir. Merci à ces monos visionnaires pour l'un de mes plus beaux souvenirs d'enfance. »

«Je m'emplafonne en 4L»

Pierre Dubary, 21 ans à l'époque

« Comment oublier ? Le 21 juillet 1969, je suis devenu majeur. La veille, j'étrenne mon beau permis de conduire tout neuf pour aller fêter en famille, à Thomery-sur-Seine (Seine-et-Marne) en lisière de forêt de Fontainebleau, mes 21 ans, avec un jour d'avance. Mais ce dimanche n'est pas du tout un jour comme les autres : le monde entier sait que là-haut, près des étoiles tournent en ce moment autour de la Lune trois hommes, trois Américains.

Mon pote Hervé est propriétaire d'une Renault 4, la fameuse et acrobatique 4 L. Pour m'éviter un train omnibus tardif et fastidieux, il propose de me prêter sa voiture. Après la fête, j'emplafonne un malheureux marcassin qui croise les phares de la 4 L, en pleine forêt de Fontainebleau. Furieux, catastrophé, je descends de voiture : je trépigne, en regardant la Lune, je me dis que le pauvre petit animal avait joliment choisi son moment pour s'envoler.

Je file vers Paris où les copains de fac attendent devant les télés qui commencent à chauffer. La nuit a été très longue, tous ceux qui l'ont vécue le savent. Nous avions tous été élevés dans la culture de Tintin et de son Objectif Lune, du Spoutnik et de ses bip bip bip, de Gagarine et de Laïka, la chienne. Ce lundi 21 juillet 1969, jour de ma majorité, à 3h56 du matin, l'homme a marché sur la Lune ! »

«Au moment où Armstrong descend de l'échelle, la télé s'éteint»

 
« Avec mes frères, Daniel, Gérard et Christian, on était scotchés devant la télé de location à tirelire où il fallait mettre des pièces au fur et à mesure. On l'avait louée pour voir le Concorde. Des semaines que j'attendais l'événement. L'arrivée d'Aldrin, Collins et Armstrong jusqu'au sommet de la fusée, la fermeture du panneau, la foule incroyable rassemblée sur les plages de Floride, les gens étaient en short avec leurs glacières et leurs énormes voitures familiales. La fusée a décollé, c'était parti…

On a été étonné de voir la poussière quand le LEM s'est posé. L'image n'était pas terrible, mais le pire c'est qu'au moment de la descente de Neil Armstrong le long de l'échelle, la télé à tirelire s'est éteinte ; on avait épuisé notre crédit ! Il a fallu remettre une pièce en catastrophe ! Heureusement ça a fonctionné et on n'a pas raté le grand moment. Les hommes avaient réussi l'aventure la plus incroyable qu'on puisse envisager. Parmi mes frères, Christian n'y croyait pas. Il était convaincu qu'il était physiquement impossible d'aller sur la Lune et que les astronautes se trouvaient en fait à la mer de sable à Ermenonville (Oise)… »

Alan Mayer, né ce jour-là

« Je suis né au moment de l'alunissage, à Madagascar. Pendant que ma mère souffrait et poussait, mon père avait son transistor avec lui en salle de travail et le lui collait à l'oreille, presque plus fasciné par l'alunissage que par mon… atterrissage. C'est peut-être à l'origine de ma carrière de steward-chef de cabine. J'ai toujours été curieux de connaître et de trouver d'autres Moon children comme moi, en vain. On doit être nombreux pourtant ! »

«Sur les traces de mon père»

Christiane Cosme, 6 ans à l'époque

« Cet été-là, comme tous les étés, ma famille au grand complet avait pris ses quartiers en montagne, à Prélenfrey, en Isère : mes grands-parents paternels dans leur petite voiture blanche, mes parents, ma sœur de 5 ans et moi qui n'avais qu'un an de plus, dans notre Dauphine d'un bleu un peu délavé. À l'hôtel, deux chambres nous attendaient comme toujours. C'était un établissement familial, où les habitués, été après été, se retrouvaient : parties de pétanque, grillades et bons petits plats. Les mères dans les chaises longues, l'après-midi, pendant la sieste des plus petites.

Notre père était du 20 juillet. Ce soir-là chaleur était intense, dans la nuit, toute la famille vint nous réveiller… Un événement EX-TRA-OR-DI-NAIRE, disait mon père, était en train de se produire. L'Homme allait marcher sur la Lune ! À dire vrai, à cette heure de la nuit, nous avions un peu de mal à saisir la portée de cette annonce… Nounours sur son nuage qui dans Bonne nuit les petits nous faisait rêver, allait-il sur la Lune pour l'anniversaire de Papa ?

Je revois encore mes parents et mes grands-parents, la tête penchée autour du poste de radio que mon père emportait partout où nous allions, tendant l'oreille pour vivre en direct la fabuleuse aventure. De cette nuit, dans la canicule d'un mois de juillet, je garde le souvenir confus d'un moment inouï de l'Histoire. J'ignore si c'est cette nuit-là que naquit en moi un amour immodéré pour la science-fiction, matérialisé plus tard par une passion pour la série Cosmos 1999, et sa Lune errante à travers les systèmes galactiques, mais chaque été, au soir de l'anniversaire de mon père qui n'est plus, mes regards se portent vers l'astre pâle, à la recherche, qui sait, des traces de pas de l'homme sur la Lune, et parfois, de celles de mon père. »

«Nuit torride avec Mathilde»

Pierre Gérard, 22 et demi à l'époque

« Perros-Guirec (Côtes-d'Armor), sortie de boîte de nuit, un caboulot est encore ouvert, un peu de calme, un dernier verre. Je suis avec Mathilde, nous prolongeons notre flirt entamé dans la soirée. Téléviseur allumé sur une étagère, si tout va bien, les astronautes vont alunir, nous sommes amoureux, Armstrong en direct va poser le pied sur la Lune, nous nous embrassons. Tiens, il neige sur la Lune, non, c'est la retransmission qui est mauvaise.

Mathilde m'embrasse dans le cou, j'aurais voulu goûter encore ses lèvres chaudes, si douces, le contact de son corps, ses bras me serrant très fort, j'ai des frissons, avec, en prime, garantie décennale offerte. Le sentiment de cette soirée ne s'est jamais estompé, ces choses indéfinissables que sont la douceur du soir, la fragilité du moment quand on s'élance dans le vide ; les astronautes flottent dans l'espace, nous flottons dans l'air terrestre, symbiose parfaite de deux êtres au début.

Cette nuit-là, il ne m'a pas été facile de dormir, tiraillé entre tant de contradictions, bonheur intense, tristesse inouïe, l'émotion me nouait les tripes, je ne ferai plus jamais le malin. Pourvu que les astronautes reviennent sur Terre, pour moi c'est moins sûr. PS : nous fêterons en décembre nos 50 ans de mariage ! »

«Par-dessus la clôture d'une petite villa»

Lionel, 16 ans à l'époque

« Avec mes sept frères et sœurs, on était parti pour la première fois en vacances de Tourcoing à Sète. Mes parents avaient acheté pour l'occasion un combi Volkswagen. On était au camping, dans une grande tente. J'étais un ado qui découvrait, et pas que, la Méditerranée. Le soir, c'était l'effervescence. Moi qui ne m'intéressais pas du tout aux informations, j'avais saisi que des astronautes américains allaient marcher sur la Lune.

Il n'y avait pas de téléviseur dans le camping. Alors avec d'autres gamins, on a regardé la scène historique par-dessus la petite clôture d'une villa. Ses occupants avaient laissé la porte-fenêtre ouverte, pour qu'on regarde. On était nombreux. Merci à ces inconnus pour ce moment extraordinaire. »

«Pennsylvania Station, applaudissements»

Jean-Claude Hautbois, 26 ans à l'époque

« Ce 21 juillet 1969, je déambulais en début de soirée dans Pennsylvania Station, une des grandes gares de New York (Etats-Unis). Il y avait des panneaux lumineux à foison et au milieu de tout cela un écran géant pour suivre l'événement. J'étais émerveillé, je n'en ai pas perdu une miette. Les images étaient de qualité médiocre, le son quasi inaudible dans cette gare surpeuplée et bruyante, mais qu'importe, j'étais là où il fallait être ce soir-là.

La gare était noire de monde. Je me souviens d'applaudissements nourris, des voyageurs, nombreux, s'arrachant à contrecœur de cet écran et courir sur les quais à perdre haleine de peur de rater leur train. Dans les rues, les gens étaient heureux, mais il n'y avait pas de scènes de liesse, plutôt une joie contenue, le sentiment de participer enfin à du positif dans cette Amérique engluée dans le bourbier vietnamien et pas encore remise des meurtres de Martin Luther King et Bobby Kennedy. Et puis, quelle délectation d'avoir damé le pion aux Soviétiques. »

«La voix enflammée d'Albert Ducrocq»

Alain Charles, 28 ans à l'époque

« Depuis quelques jours, je suivais avec beaucoup d'attention les préparatifs du lancement de la fusée Saturn V. Le 20 juillet, un peu fiévreux, j'ai regagné mon domicile plus tôt que prévu. J'ai mis alors en route le gros magnétophone que j'avais emprunté à l'école de la ville d'Yerres (Essonne) où j'étais instituteur, pour enregistrer, sur Europe 1, les commentaires d'Albert Ducrocq et sa voix enflammée.

Plus tard, à la rentrée, j'ai fait écouter la bande à mes élèves de CM2. Quand le Lem se détache de la cabine Apollo pour entamer sa descente vers le sol lunaire, l'inquiétude d'Albert Ducrocq est palpable, c'était le moment crucial de l'expédition, cette manœuvre était une première dans l'exploration de l'espace, silences angoissants, le Lem s'approchait du but.

Un long silence quand soudain, à 21h18, on entendit Albert Ducrocq hurler : L'Homme est sur la Lune. Je me précipitai alors vers le récepteur de télévision. La retransmission avait commencé. Je me suis assoupi, réveillé en sursaut, là, ce fut grandiose, les commentaires de Jean-Pierre Chapel et Michel Anfrol, et ces deux silhouettes blanches évoluant au ralenti sur le sol lunaire. Cela frôlait l'irréel. Difficile de trouver les mots justes : l'incrédulité, l'admiration. Cinquante ans après, je ne les trouve toujours pas. »

«Quand Armstrong a mis le pied sur la Lune, on a tous applaudi»

Christian Provost, 19 ans à l'époque

C'est la perspective de suivre en direct les premiers pas de l'homme sur la Lune qui ont poussé son père à troquer l'ancien téléviseur pour un écran couleur. « Mon père était très téléphile, mais c'était un vrai prétexte ! Les images étaient floues, striées. Tout était gris, la couleur ne servait à rien », se rappelle amusé Christian Provost, un ancien banquier de 69 ans.

Dans le XVe arrondissement de Paris, Christian, alors âgé de 19 ans, son frère aîné et son père passent une grande partie de la nuit du 20 au 21 juillet les yeux rivés sur l'écran. « On a regardé à partir de 20 heures le soir jusqu'à 5h30 le lendemain matin. Au début, on a vu pendant quelque temps les pieds du LEM. On attendait qu'ils sortent, ça devenait même un peu long… »

La fatigue se fait sentir, mais hors de question de passer à côté l'image d'Armstrong sortant du module lunaire. « Quand il a mis le pied sur la Lune, on a tous les trois applaudi », se souvient Christian.

«Mon voisin me dit : A man put a step on Moon !»

Jean-Pierre Kaminski, 20 ans à l'époque

Étudiant en prépa, Jean-Pierre Kaminski entend profiter de cet été 1969. Avec un ami, il part de Paris au volant de sa Mini pour un road-trip les menant jusqu'en Scandinavie. « C'était un peu A nous les petites Suédoises », admet le septuagénaire résidant désormais à Romans, dans la Drôme.

Le 21 juillet, alors que la planète bruisse de l'exploit d'Armstrong, le jeune baroudeur assiste à un match amical entre la Norvège et l'Islande. Il ne sait encore rien de ce qui s'est passé à environ 400 000 km au-dessus de sa tête. L'actualité finit par le rattraper dans les tribunes du stade de Trondheim.

« Pendant le match, il y a une annonce au haut-parleur suivie d'une grande clameur, se remémore Jean-Pierre, qui ne parle pas norvégien. Je demande à mon voisin ce qui se passe. Il me dit : « A man put a step on Moon ! » (« Un homme a posé le pied sur Lune »).

Sur le coup, la nouvelle ne bouleverse pas Jean-Pierre. Lui et les milliers de spectateurs ont tout de même un match à suivre. Ce n'est que les jours suivants, en voyant les articles et les photos, que le jeune homme se rend compte de la portée de l'événement. Il ne verra les images de l'alunissage diffusées à la télévision qu'à son retour en France.[...]

Le 20 juillet 2019 à 07h34

© Le Parisien

PCC sauf les photos,  

Abdelkarim Belkassem

 

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