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Plume et Kalam - Abdelkarim Belkassem
6 janvier 2024

Mes livres mettent-il la planète en danger ? # 4

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4.Après sa mort, mon livre va-t-il au paradis ?

On rêverait toutes et tous que nos livres soient éternels, mais ce n’est pas le cas. On se console en se disant qu’ils sont recyclés, pour donner vie à de nouveaux livres, dans un cycle vertueux infini… Mais la réalité est un peu moins rose.

Des livres pas si éternels : l’épreuve du pilon.
À défaut d’être éternels, les livres ont souvent plusieurs vies, grâce au marché de l’occasion qui se développe de manière exponentielle. Cette remise en circulation réduit l’impact écologique du premier achat. Seul problème : dans ce nouveau marché, ni les créateurs ni les maisons d’édition ne touchent la moindre rémunération ! Cette question essentielle et sensible fait régulièrement l’objet de discussions interprofessionnelles, qui n’ont pas abouti jusqu’à présent.
Les livres restant de moins en moins longtemps en librairie, ils sont très vite retournés, puis réintégrés au stock ou, le plus souvent, envoyés au pilon. C’est-à-dire détruits. Le pilon, très opaque, fait l’objet d’une querelle de chiffres. Les éditeurs doivent légalement mentionner le pilonnage de nos livres sur nos redditions de comptes, mais ce n’est pas toujours le cas.
Selon le SNE, 14,5% des livres imprimés finiraient au pilon, soit 170 000 par jour. Mais le WWF estime ce chiffre à 25 % Le Shift Project souligne, lui, que 12% des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie du livre seraient liées au pilon. Un immense gaspillage. Toujours selon le Syndicat national de l’édition (SNE), 100% des livres pilonnés seraient "envoyés au recyclage". Mais le WWF considère que 90% au maximum le seraient effectivement, le reste finissant dans les ordures ménagères sans être recyclé.
Il faut savoir qu’un "déchet livre" considéré comme recyclé peut tout aussi bien être un livre réutilisé sous forme de pâte à papier que sous forme de papier hygiénique, ou même, la plupart du temps, simplement incinéré pour "valorisation énergétique" !

Et si on recyclait ?
Autre point sensible, le SNE considère que la seule fin de vie d’un livre est le pilon. Mais que deviennent les livres vendus, ceux qui n’ont pas été retournés à l’éditeur ? L’idée qu’aucun ouvragne serait jamais jeté dégagerait en réalité les éditeurs de toute responsabilité concernant le tri et le traitement d’une bonne partie des livres usagés. Selon le WWF, c’est cette affirmation qui permettrait à l’édition d’être exonérée de l’écocontribution, taxe imposée à toute entreprise émettant plus de 5 tonnes de papier cumulées par an. Une telle taxe, de 0 à 3 centimes par livre, pourrait rapporter 10 à 15 millions d’euros chaque année et financer une grande partie de la collecte des livres usagés. Comme les livres scolaires, dont la durée de vie est courte, ou le produit du désherbage des bibliothèques, qui gagneraient à être collectés au niveau national pour être recyclés.
Le SNE refuse également l’apposition du logo Triman sur les livres. En vérité, certains livres, comme tout objet de consommation, sont bien jetés, mais on ignore combien et ce qu’ils deviennent : recyclés, enfouis, incinérés ? Cette absence de données alimente le statu quo.
Cependant, la loi AGEC (loi Antigaspillage pour une économie circulaire) stipule désormais qu’à compter du 31 décembre 2023, l’ensemble des produits non alimentaires, y compris les livres, devront être pris en charge à leur fin de vie, dans l’ordre de priorité suivant: réutilisation, réemploi, recyclage, valorisation énergétique.
Les éditeurs devraient donc bel et bien faire face à des obligations en matière de réutilisation, réemploi, recyclage ou valorisation des livres en fin de vie.

Alors, qu’est-ce que je peux faire ?
Une bonne part des invendus d’un salon partant au pilon (parfois pour être réimprimés quelques semaines plus tard !), nous pouvons déjà communiquer aux libraires une estimation de nos ventes par livre pour éviter certains stocks démesurés. Nous pourrions aussi demander aux organisateurs de salons et aux libraires s’il est possible d’organiser d’autres événements en parallèle, ou bien qu’une partie des livres restants soit conservée dans leur fond ? Il serait en tout cas utile de nous interroger à titre personnel sur la sacralisation très française du support livre qui, si elle est globalement très positive, entrave peut-être certaines réflexions sur les circuits de recyclage. Car la destruction du livre ne signifie pas la disparition de l’œuvre. Comme le rappelle le WWF : le livre en fin de vie n’est pas un déchet, mais une "ressource à valoriser dans une économie circulaire à imaginer".

Demain la suite. 

Abdelkarim Belkassem

livre-illustration-pixabay-768x530

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Commentaires
C
C'est vrai qu'il serait bon de s'interroger sur les stocks. Tes éditeurs impriment aussi à la demande, c'est moins de gaspillage . <br /> <br /> Bises
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