Baudelaire et le Calvados
Il s'agit bien évidemment du département normand et non de l'alcool de pomme !
Charles Baudelaire a vécu quelque temps à Honfleur (Calvados).
Charles-Pierre Baudelaire naît à Paris le 9 avril 1821. Brillant latiniste, le jeune homme obtient son baccalauréat en 1839, puis il fait des études de droit.
Journaliste, Baudelaire publie de nombreux articles de critiques. Au cours de ces années, le poète se lie d’amitié avec l’écrivain Charles Augustin Sainte-Beuve, avec le photographe Félix Nadar et le poète Théodore de Banville.
En 1847, Charles Baudelaire se lance dans la traduction des œuvres d’Edgar Poe. Il voit dans l’écrivain américain un frère de pensée. En 1852, paraît dans La Revue de Paris, un essai intitulé Edgar Allan Poe, sa vie et ses ouvrages puis en 1856, les Histoires extraordinaires, en 1858 Les Aventures d’Arthur Gordon Pym.
Entre temps, le poète participe aux Journées de Février 1848 qui voient la chute de la Monarchie de Juillet et la déchéance du roi Louis-Philippe Ier.
Baudelaire aide à la création d’un journal socialiste, Le Salut Public. Il s’éloigne de la politique, dénonçant tout de même avec véhémence le coup d’état du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte.
Fin 1852, Baudelaire rédige de nombreux poèmes En 1857 sont publiées Les Fleurs du mal, dont le plus ancien des poèmes a été rédigé en 1841. L’ouvrage, tiré à 1.300 exemplaires, est saisi en 1858 sur ordre du Parquet. Un procès en moralité est instruit contre lui. Malgré l’appui de Sainte-Beuve et de Jules Barbey d’Aurevilly, Charles Baudelaire et son éditeur, Auguste Poulet-Malassis, sont condamnés à verser 300 francs d’amende. Cette somme est bientôt revue à la baisse, Baudelaire sollicitant avec succès la clémence des autorités dans une lettre adressée à l’Impératrice Eugénie. Six poèmes devront tout de même être retirés du recueil.
La mère de Baudelaire, Madame Aupick, sur le perron
La maison de Honfleur a été achetée par son beau-père, le général Aupick en 1855, sur la falaise, au dessus du port . Le jardin formait une terrasse avancée appelée le Bosphore. Le général Aupick avait le projet d’y passer trois mois par an mais, sénateur, ses divers engagements ont réduit la durée et le nombre des séjours. Il en a peu profité jusqu’à sa mort, en 1857 à Paris.
Jardin de Madame Aupick à Honfleur par Gustave Moreau
En 1859, Baudelaire s’installe dans la "maison-joujou" avec livres, manuscrits et bagages. Le moment est propice, car il a signé un contrat d’édition qui devrait lui assurer un revenu non négligeable, mais exige une grande régularité.
Le séjour se révèle vite fécond. Le Voyage puis L’Albatros, ou une nouvelle version de ce poème, Danse macabre, Les Petites Vieilles, Les Sept Vieillards.
Extrait de Voyage, poème 1859 :
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers
Deux pièces mansardées, une chambre, un salon, réservés pour lui par sa mère dans la maison de Honfleur, au deuxième étage, lui font découvrir, au-delà du port, l’ampleur du ciel, l’architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, le scintillement des phares . Alors, les formes élancées des navires, au gréement compliqué , balancées par la houle, servent à entretenir dans l’âme le goût du rythme et de la beauté . Le poète vivait-il plus sur des souvenirs que sur des impressions directes quand il a écrit ces phrases élégantes d’un des poèmes en prose du Spleen de Paris, Le Port, plus tardif ?
Tout n’est pas gai à Honfleur, même si Baudelaire a plaisir à y retrouver ses amis peintres, dont Eugène Boudin. Il se sent seul, et il craint qu’on ne l’oublie. Enfin,il manque d’argent. La chronique locale ne suffit pas à le distraire Il retourne à Paris en 1859 pour six semaines. Le travail le ramène à Honfleur d'avril à mi-juin car il doit rédiger Le Salon de 1859. Il revient dans la maison-joujou plusieurs fois, au moins en décembre 1859, en octobre 1860, et encore en juillet 1865, toujours de manière furtive, parfois même entre deux trains. Son installation à Honfleur est restée seulement un rêve.
En 1871, la maison appartient à Etienne Bahon. En 1892, la maison est vendue par adjudication à Aimée Dascher. Elle est louée à Alphonse Allais entre 1898 et 1900, puis vendue une dernière fois à l’hospice civil de Honfleur en 1901 qui détruit la propriété pour agrandir l’hôpital. On y construit, à la place, une morgue. Une plaque indiquant « ici, s’élevait le pavillon de Baudelaire », est posée en 1930. La morgue disparaît à son tour avec la fermeture de l’hôpital en 1977.
Lettre manuscrite à Félix Nadar 1859
En 1860, Les Paradis artificiels sont publiés. En 1862, il renonce à sa candidature à l’Académie française, suivant les conseils d’Alfred de Vigny. En 1864, Baudelaire s’exile en Belgique où il donne des conférences. Ce fut un échec complet. Alors qu’il réside à Bruxelles, le pays lui devient insupportable. Il épanche son amertume dans un pamphlet intitulé Pauvre Belgique. Atteint par la syphilis, le poète a de plus en plus recours à la drogue.
Dernier portrait de Baudelaire par Etienne Carjat -1865
En 1866, Baudelaire fait une chute et est alors hospitalisé à Bruxelles, victime d’hémiplégie et d’aphasie. De retour à Paris, le poète décède le 31 août 1867.
Abdelkarim Belkassem
Portrait de Baudelaire par Gustave Courbet - 1849